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[Critique] Pulp

12 Juin 2021 , Rédigé par jeuxvideo-world Publié dans #Coin Lecture (News et Critique)

Si les éditions Delcourt connaissent une année particulièrement riche et intéressante au rayon des mangas (de nouvelles séries percutantes, la création du label kbooks), la partie comics affiche elle aussi de sérieux arguments. On a pu découvrir des intégrales (Irrécupérable, Invincible), des séries en cours (Spawn) mais aussi des one-shot. Dans son catalogue cela fait plusieurs années que l'éditeur propose les récits d'un duo incontournable : Ed Brubaker / Sean Phillips. On peut citer quelques exemples comme la parution en 2017 du titre Fondu au noir ou encore la parution en 2018 de la série Kill or be killed. Pour cette année 2021 on peut mettre la main depuis le 12 mai dernier sur le titre Pulp, la nouveau one shot de ce duo irrésistible.

Deux artistes qui possèdent un talent fou et qui ont fait le bonheur des lecteurs autant du côté de Marvel Comics que de DC Comics. Pour le scénariste Ed Brubaker, on ne peut s'empêcher de rappeler son superbe run sur le personnage de Captain America. Concernant Sean Phillips, on peut par exemple, toujours du côté de Marvel Comics, mentionner son joli coup de crayon sur la série Marvel Zombies. Pour Pulp, on peut même préciser qu'en plus du duo, un coloriste nommé Jacob Phillips, fils du dessinateur, complète l'équipe de ce nouveau one shot. Le comics Pulp (EAN : 9782413039518) est donc disponible depuis le 12 mai 2021 aux éditions Delcourt. Une oeuvre pas spécialement épaisse (dimensions : 17.5 x 26.5 x 1.1 cm) qui totalise 72 pages pour un prix de vente de 12€ (7,99€ pour la version numérique).

Avant même de parler de l'édition, on peut déjà pointer du doigt le rapport prix/pages pour ce comics. Le tarif peut paraître effectivement un peu élevé compte tenu du nombre de pages. Néanmoins, la vraie frustration ce n'est pas ce rapport mais bien la longueur du récit, c'est tellement bon que la première frustration qui nous vient à la fermeture du comics, c'est que l'histoire est très courte. Contrairement à des mangas ou certains comics, il ne faut pas s'attendre à des bonus, on tombe directement sur le début du récit, et la dernière planche correspond à la dernière page. Un contenu loin d'être choquant pour ce type de one shot. La couverture est superbe et donne le ton sur le style "Far West" du récit. Concernant la qualité de l'ouvrage, celui-ci s'offre donc une couverture rigide avec une reliure solide et surtout aucun problème au niveau de l'impression.

On aborde donc ce récit d'une manière simple, efficace, qui respire déjà la qualité. Allez, s'il fallait vraiment chipoter au niveau de l'édition, on pourrait éventuellement suggérer qu'un tel récit pourrait mériter un format "giant-size" pour profiter encore mieux des belles planches de ce comics. On aborde maintenant la partie scénaristique de ce one shot en commençant par rappeler le synopsis : Max Winters, un écrivain de Pulps dans les années 1930 à New York, est entraîné dans une histoire qui rappelle celles qu'il écrit pour cinq cents le mot - des histoires mettant en scène un hors-la-loi du Far West qui rend justice à coups de revolver. Max sera-t-il aussi efficace que ses héros face à des braqueurs de banque, des espions nazis et des ennemis issus de son passé ? Un résumé plutôt alléchant, un sentiment qui va rapidement se confirmer, c'est la fin du doute, Ed Brubaker démontre une nouvelle fois son talent.

Une narration aux petits oignons qui colle à merveille au style du scénariste. Pas d'inquiétude, on va évidemment rester prudent sur l'histoire et se contenter de présenter le récit sans jamais commettre un spoil. Oui, l'histoire est courte mais elle est d'une richesse qui permet de combler ce problème d'un comics maigre en nombre de pages. Quand on pense à Ed Brubaker, on pense forcément à un polar noir. En dehors des gangsters, on pense à la police, aux militaires mais aussi aux détectives. Un style sombre mais captivant avec une dose d'héroïsme, évidemment. Pulp est donc un superbe récit parce qu'il correspond à l'univers de l'auteur, ce qu'il dégage est fort et d'un équilibre redoutable avec de nombreux thèmes abordés.

D'ailleurs, on pourrait presque y voir une forme de biographie entre le personnage Max Winters et l'auteur. Certains aspects de l'histoire affichent une forme de reflet sur la carrière de l'auteur et d'éventuels événements vécus. On revient sur l'histoire pour compléter le synopsis avec quelques précisions supplémentaires mais sans trop rentrer dans les détails de manière à conserver l'effet de surprise à la lecture. Oui, malgré le style du récit et de certaines tournures prévisibles, l'auteur apporte cette petite dose de surprise qui fonctionne parfaitement. On fait donc connaissance de Max Winters, un homme d'une soixantaine d'années dont le gagne-pain est la rédaction de pulps. Ce terme est une abréviation de "pulp magazines".

Elle désigne une forme de publication à petit prix très populaire aux États-Unis durant la première moitié du XXième siècle. Oui, cette histoire se déroule à New-York en 1930. Ses histoires offrent un univers western très personnel. En effet les rédactions proposées sont basées sur son passé sombre, celle des gangsters du far west avant l'arrivée de nombreux changements dont celle de la Première Guerre Mondiale et à l'aube d'une seconde guerre mondiale. Le premier thème fort de l'histoire qui arrive vite et va d'ailleurs lancer sérieusement le récit, c'est un thème économique. Les comics montent en puissance et les pratiques des éditeurs sont douteuses créant ainsi une frustration auprès des artistes. Max Winters est concerné et va devoir poursuivre son travail en empochant une somme qui va diminuer pour des raisons économiques en plus d'être bridé sur le plan artistique.

Il aimerait s'exprimer librement à travers ses scénarios, malheureusement en plus de subir une baisse de salaire il va devoir se résoudre à poursuivre son travail jugé efficace pour les ventes de l'éditeur. Ce bouleversement dans sa vie professionnelle va logiquement avoir un impact sur sa vie privée et sur son avenir. Le thème économique abordé dans ce récit est donc particulièrement fort, non seulement il critique les pratiques des éditeurs mais aussi l'impact sur la vie privée es artistes du monde des pulps et des comics face à certaines décisions. C'est difficile de ne pas y voir un avis personnel de l'auteur sur le sujet et même une forme d'expérience. Un sujet intéressant et bien développé au fil des planches pour nous mener vers de l'action, de l'émotion mais surtout le second thème fort : la politique.

En plus d'un racisme important envers les populations en provenance d'Amérique central et d'Amérique du sud, l'approche d'une Seconde Guerre Mondiale est synonyme d'un fascisme de plus en plus présent dans la société américaine. Le nazisme occupe une place de plus en plus importante avec des sympathisants en hausse. Notre personnage ne reconnaît plus son pays, nostalgique de son passé, ce système est contraire à ses idées et compte bien jouer un rôle de justicier rappelant une époque lointaine. Contrairement à des super-héros, la justice est loin d'être évidente et s'il agit selon ses règles, il va devoir subir la réalité d'un être humain. Malgré une forme d'expérience, on ne peut que reconnaître un risque important de la vie d'un humain lorsqu'une phase d'action se dessine.

Une vie qui peut vite basculer en plus de subir une autre réalité qu'importe la séquence, celle d'une santé possiblement défaillante. On ne pas s'étaler davantage sur le plan scénaristique afin de vous laisser la découverte des autres protagonistes, du rythme proposé (pas d'inquiétude il est très bon) mais aussi de l'évolution et la fin de cette belle histoire. Une écriture maîtrisée qui méritait au moins une vraie patte visuelle, il fallait absolument un dessinateur de talent, c'est là que Sean Phillips intervient et prouve une nouvelle fois son superbe coup de crayon. Pas de doute, ce duo fonctionne toujours aussi bien et il ne faut que quelques pages pour comprendre qu'on tient là un récit attachant. Le dessin de Sean Phillips colle à merveille avec l'ambiance et le style de l'histoire.

Il ne faut pas s'attendre à une grosse finesse dans les planches mais les détails ne manquent pas. Un travail visuel qui s'accompagne d'une colorisation totalement cohérente de son fils Jacob. On retrouve des couleurs dominantes en lien avec l'ambiance et la violence du récit. C'est parfois sombre, parfois sanglant, parfois brillant et avec l'effet d'un vieux comics. Il faut donc s'attendre à une palette volontairement limitée avec des couleurs sombres et chaudes dominantes (gris, rouge, orange, noir). C'est maîtrisé du début à la fin (très bon découpage) avec des arrière-plans et une mise en scène qui ne peuvent que séduire le lecteur.

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Conclusion : Pulp est un comics captivant, séduisant. Il déborde d'atouts, d'énergie et d'émotions. Son seul défaut est une évidence au premier contact visuel du comics, il est trop court. Malgré une fin sympathique et cohérente avec le style et l'univers de l'auteur, on aimerait poursuivre les aventures de Max Winters. Un récit fort, presque autobiographique sur certains aspects, qui propose un visuel d'une grande justesse qui respecte à merveille l'ambiance de l'histoire. On est loin des récents comics avec un découpage très moderne où chaque page contient toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Un plaisir à lire, un plaisir à contempler.

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